Fragilités

Malheurs et misères du monde nous secouent-ils plus que les bonheurs et les succès ? Est-ce que je fais partie de celles et ceux qui vivent dans la crainte plutôt que dans la confiance ? Au retour des vacances d’été, certains d’entre nous ont sûrement eu la joie des retrouvailles annuelles avec enfants, petits-enfants et arrières peut-être aussi. Que du bonheur bien sûr et les langues sont alertes dans ces moments-là. Mais il faut faire souvent attention car il y a des fragilités à ne pas égratigner !

Le port du masque révèle la fragilité de notre santé. Ne sommes-nous pas unanimes à reconnaître que "la santé est le bien le plus précieux" ? Et pourtant, quel discours tenons-nous selon que nous défendons l’obligation vaccinale ou que nous nous y opposons ? Les sports ont repris sous réserve de conditions sanitaires précises ; la culture aussi. Et, summum de cette force de vie qui nous libère, nous avons vu comment à Tokyo, celles et ceux que l’on dit "handicapés" ont battu des records en de multiples catégories. Lorsqu’on la domine, lorsqu’on la dompte, la fragilité ne peut-elle pas devenir force ? "Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort . . . avec le Christ" assure Saint Paul.

Notre Terre est belle, mais elle est aussi très fragile. Tornades, inondations, feux, volcans, tremblements de terre ont tôt fait d’enterrer des milliers de morts. Le sort d’Haïti nous fait très mal. Serait-ce une île maudite ? Non, mais il semble que la misère lui est ficelée au corps. Que sont devenus les hauts faits de Toussaint Louverture, l’un des plus ardents défenseurs de ses frères esclaves sur Saint Domingue ? Napoléon a mis un terme à son élan en le condamnant à l’exil, en France, dans un cachot du Fort de Joux (Doubs) où il mourra en 1803. Bien que déposé sous une dalle de pierre, son corps aujourd’hui n’existe plus : des travaux de chantier l’ont fait disparaître à jamais. Gênant l’esclave ! Fragilité d’un monde où seule une sélection d’hommes et de femmes valeureux sont portés au pinacle de la gloire ! Des historiens , heureusement,
savent ressusciter quelques beaux personnages que l’on allait oublier. Napoléon, tout le monde en a entendu parler mais qui s’intéresse encore à l’héroïque Louise Michel sinon les passionnés d’histoire ? Quant à Martha Desrumeaux, femme emblématique pour les syndicats ouvriers du Nord et Résistante qui lui a valu la Déportation, son nom serait-il effacé à jamais de la mémoire française ? N’y aurait-il que les plaques au coin de nos rues pour nous parler de ces grandes âmes ?

Et que dire de ces fragiles Afghans chassés de chez eux ? Fragilité d’un monde où tout serait beau si l’homme était naturellement bon. Mais hélas ! Beauté d’un monde qui pourrait être encore plus beau si l’homme n’était pas plus encore fragile que la nature qu’il prétend protéger après l’avoir soumise, essorée, étripée.

Hilaire Ferchaud

POUR ALLER PLUS LOIN :

Le vase brisé

Le vase où meurt cette verveine
D’un coup d’éventail fut fêlé ;
Le coup dut l’effleurer à peine :
Aucun bruit ne l’a révélé.

Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D’une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s’est épuisé ;
Personne encore ne s’en doute ;
N’y touchez pas, il est brisé.

Souvent aussi la main qu’on aime,
Effleurant le coeur, le meurtrit ;
Puis le coeur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;

Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n’y touchez pas.

René-François Sully Prudhomme, Stances et poèmes, 1865

Ce sera le 8 octobre prochain

Votre scribouillard hebdomadaire va laisser tomber sa plume le 8 octobre prochain. La voie est donc libre pour imaginer une suite à cette page paroissiale : suite semblable ou suite différente, tout est possible. Je tiens d’ailleurs à remercier les prêtres successifs ( Jean Roullier puis Bernard Samson) pour leur accueil toujours favorable à cette page.

L’initiateur en est Jean-Pierre Guillet de Liré. Son idée était d’inviter à jeter un regard chrétien sur les évènements de la semaine. Très belle tâche qu’il accomplit parfaitement et pour laquelle il s’entoura progressivement de plusieurs volontaires afin de pouvoir assurer sa propre relève : Madeleine Pasquier puis Joseph Bitaudeau, tous les deux de Liré également pour l’écriture et Pierre Guilleux de Champtoceaux pour les insertions sur Internet.

Un dimanche de janvier 2016, à l’issue de la messe, Joseph Bitaudeau présenta au micro de l’église le fonctionnement de cette activité rédactionnelle paroissiale et exprima le souhait d’une troisième personne afin que la charge soit répartie sur trois semaines. C’est à ce moment-là que je me suis dit : "Pourquoi pas moi ?" Je fus évidemment très bien accueilli et le cycle d’une écriture toutes les trois semaines se mit en route. Malheureusement notre ami Joseph Bitaudeau est tombé malade et nous connaissons la suite. Quant à Madeleine Pasquier, son choix de poursuivre sa vie avec son mari à Angers fit que le vendredi 23 juin 2017 elle signait son dernier texte :"Au revoir" en avouant dès le début "Mot difficile à écrire après trois années où j’ai osé livrer mes modestes points de vue". Comment faire maintenant alors que je me retrouvais seul.

Le micro à l’église ? Je l’ai essayé sans succès. Les appels à des commentaires sur les sujets que je continuais malgré tout de traiter ? Bravo et merci à toi Madeleine pour tes avis réguliers, même depuis Angers. Bravo et merci à toi aussi Monique qui signe "la petite canadienne". Ouf ! ça encourage. Et puis, merci à toi Georges (Georges Mourin de Liré) pour ta participation occasionnelle. Je sais, par quelques échos, que tes écrits ont régalé bien des personnes. Textes sympas et toujours intéressants. Malheureusement, la régularité hebdomadaire n’est, pour l’instant, pas assurée. Je quitte car je pense que cela est sage. Des graines nouvelles vont germer. N’hésitez pas à en parler, même si vous n’apportez rien vous-mêmes : il faut parfois secouer le panier pour faire monter la semence à la surface. Bonne chance.

Hilaire Ferchaud