La nostalgie s’oppose-t-elle à l’énergie ?

Plus souvent adoré que redouté, le mois de mai est truffé de jours fériés. Penchons-nous ensemble sur la nostalgie engendrée par ces journées commémoratives.

Traversant ce jour-là la place Victor Hugo à la vitesse d’un déchiffreur de façades, je m’arrête pour tenter de lire au-dessus des fenêtres fermées et poussiéreuses le nom d’un ancien magasin dont les grosses lettres noires se laissent encore deviner sur fond de tuffeau : "Maison Leblanc fondée en 1905 - Toilettes de cérémonie". Pas besoin d’être grand devin pour comprendre que la Maison Leblanc n’est plus mais qu’elle a sûrement bien vécu. Passant, souviens-toi ! Ce fut exactement mon cas puisque, durant ma rêverie, une dame d’un âge avancé et qui avait remarqué mon intérêt s’approcha :"Ah ! monsieur, j’ai travaillé ici. Nous étions nombreuses à accueillir les clientes , conseiller, procéder aux essayages, faire les retouches . . . Il y avait de la vie ici ! Nous ne proposions que du beau, monsieur, de la qualité ! Ah ! monsieur, la Maison Leblanc, c’était quelque chose à ce moment-là. C’était une Maison ! Aujourd’hui, on ne parle plus de Maison. Tout a changé !" Et je vis la dame en noir s’éloigner sur les pavés, élégante dans son ensemble strict, une maigre pochette bien serrée sous son coude comme si elle trimballait avec elle tous ses souvenirs, derniers trésors sans doute de l’époque où elle travaillait pour la Maison Leblanc. "Maisons abandonnées - Confiez-nous les secrets - Que vous osez garder - Pour nous interpeller."

Interpeller jusqu’à la nostalgie, oui mais est-ce bien utile ? Tous ces retraités qui écrivent leurs mémoires ont envie de faire savoir aux générations montantes ce qu’ils ont vécu. Vider devant soi un après-midi de pluie le tiroir aux vieilles photos ou revisiter après de longues années d’absence le village de notre enfance, son école restructurée, l’église où on a été baptisé,
ça peut faire du bien mais soulever aussi des regrets : "Je ne retrouve plus rien comme avant" soupire un de mes amis. Nostalgie ! Tristesse, mal du pays, c’est un état qui ne se discute pas. Tout comme on ne discute pas le 1er mai, le 8 mai, Sainte Jeanne d’Arc, l’histoire de notre beau pays !

Lorsqu’en conclusion d’un colloque le président fit tomber ce couperet : "Rien ne me semble moins chrétien que la nostalgie", les auditeurs durent avoir mal à avaler le noyau pour apprécier la suite :"La nostalgie est humaine ; qui ne l’éprouve jamais ? Quant à l’aspiration au retour, le chrétien ne vit-il pas dans l’attente du retour du Christ ?" Oui, c’est vrai, mais je renvoie la balle à ce président en citant les anges le jour de l’Ascension : "Ne restez pas ici à regarder le ciel ! Allez, de toutes les nations faites des disciples." Idée complémentaire : la nostalgie ne pourrait-elle pas servir de starting-block à nos énergies ?

Hilaire Ferchaud

P.S. - Si vous saviez comme ça fait du bien d’écrire ! Envoyez vos idées, même courtes, à hilaire.ferchaud chez wanadoo.fr